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La naissance de la cité des cheminots de Lille-Délivrance (1921)

Publié le 01 octobre 2004  

Décembre 1920 : les habitants de la paisible commune de Lomme, petite ville de la banlieue lilloise, voient plus de cent soixante-dix hectares de champs humides se transformer en un immense chantier ; en l'espace de quelques mois, surgit de nulle part un important et moderne complexe ferroviaire baptisé Lille-La Délivrance, comprenant une gare de triage ainsi qu'une cité-jardin destinée à loger le personnel nécessaire à l'exploitation du site.

Achevée en août 1921, cette dernière forme une entité géographique de la dimension d'une petite ville : près de soixante-dix hectares, plus de huit cent trente logements, trois mille trois cents habitants. Créée ex nihilo, elle doit son existence à la seule volonté d'une société, la puissante Compagnie des chemins de fer du Nord.

Cette initiative en matière de logement ne constitue pas un cas unique, mais s'inscrit pleinement dans le cadre d'une grande opération immobilière menée par la Compagnie au lendemain de la guerre. En effet, entre 1919 et 1924, cette dernière fait édifier une trentaine de cités-jardins à proximité de ses installations, dont 25 de plus de 100 logements, soit au total plus de 11.200 habitations (notons que Lille-La Délivrance, avec ses 835 logements, constitue alors la cité la plus importante après celle de Tergnier, qui comprend 1.112 logements). L'objectif du réseau du Nord est double : attirer et fixer la main d'oeuvre et, de la sorte, exercer un contrôle étroit sur l'ensemble de la communauté « cheminote » en créant une véritable culture d'entreprise. Tout doit donc être mis en oeuvre pour que les agents et leur famille qui vivent au sein de ces cités se sentent membres d'une même corporation : ils doivent y trouver tout ce dont ils ont besoin (écoles, magasins, bains-douches,…), y vivre au même rythme, assimiler les mêmes rapports de convivialité, d'entraide, partager les mêmes joies et les mêmes soucis...

La réalisation de cette grande entreprise est confiée à un homme, l'ingénieur Raoul Dautry. Pétri des idées et valeurs de mouvements contemporains, qu'il s'agisse d'hygiénisme ou de catholicisme social, ce polytechnicien entend établir un nouveau modèle de cité au sein de laquelle « l'agglomération rationalisée et harmonieuse des familles dans des cadres ensoleillés, aérés, organisés, desservis [pourra] seule augmenter le nombre, la qualité et le rendement des individus ». Lille-La Délivrance est donc conçue sur ce modèle de cité entièrement « rationalisée », qui vise à « façonner l'ouvrier idéal ». Implantée à l'écart, loin des faubourgs ouvriers lillois, elle apparaît comme un véritable îlot entièrement replié sur lui-même. Espace bien délimité, véritable « bastion » imperméable aux influences extérieures qui pourraient se révéler néfastes pour les intérêts de la Compagnie, elle forme cependant aussi un ensemble urbanistique et architectural agréable, « ne rappelant ni la caserne, ni l'usine, ni le coron ». Son plan, « qui représente assez bien une vaste étoile », se caractérise par deux artères principales, droites, qui servent de support à la création de trois places spacieuses qui apportent quant à elles une touche de « fantaisie » à ce schéma méthodique et rigoureux (les places de la Victoire, Demory et Beaulieu). Par ailleurs, de ces dernières et des quatre places périphériques qui verrouillent l'accès à la cité partent en étoile tout un lacis de rues secondaires, « dont les rayonnements ingénieux, les courbes élégantes, les entrecroisements imprévus assurent à l'ensemble une dissymétrie pittoresque ».

Agglomération vaste et aérée, Lille-La Délivrance se présente parallèlement comme « une cité verdoyante » : vastes squares encadrés par des arbustes, larges avenues bordées de tilleuls, acacias et marronniers, allées et jardins longés et délimités par plus de 70 kilomètres de clôtures végétales... Les maisons d'habitation, qui ne regroupent jamais plus de quatre logements, sont isolées les unes des autres, entourées de leurs jardins individuels respectifs, donnant l'image de petits « chalets » colorés dont la « variété de lignes compose sur le fond vert des pelouses et des jardinets […] un ensemble plein d'harmonie ». Spacieuses, bénéficiant de tout le confort « moderne » (eau courante, W.C. relié au tout-à-l'égout, éclairage électrique de toutes les pièces...), leur conception et leur réalisation ont été confiées à différents entrepreneurs qui se sont adressés, sur la demande de la Compagnie, à des architectes « de haut mérite », à savoir, entre autres, Gustave Umbdenstock, Ernest Bertrand, Paul Piketty et le trio parisien Molinié-Nicod-Pouthier. Toutes s'apparentent à des versions régionalisées des pavillons types de l'habitat à bon marché. Sont conçus dans le même style que les maisons les nombreux équipements collectifs visant à prendre en charge d'une manière totale la vie des habitants : école primaire, école maternelle, école ménagère, salle de réunion (comprenant buvette, cinéma et bibliothèque), bains douches, maison du médecin, service médical, boutiques du libraire et du coiffeur, foyer des agents de train.

Cet article est extrait de notre bulletin d'octobre 2004, que vous pouvez vous procurer par correspondance, ou en vous rendant dans notre local de la rue de la Monnaie.

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