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Place Saint-Hubert, porte de l'Europe ?

Publié le 10 mars 2009  

Les abords de la Porte de Roubaix ont connu ces dernières années de nombreuses transformations, sans parvenir à faire de ce lieu un site emblématique de conjugaison entre l'héritage de la cité et ses appétits de modernité. La place Saint-Hubert présente une bien triste allure avec ses quelques maisons anciennes, rescapées d'un urbanisme contemporain à la recherche de son âme. La ruine récente d'un immeuble d'angle achève de désoler le site.

Dans les années 1980 la restauration de la « Maison des Vieux- Hommes », puis en 2004 de la porte de Roubaix, donnait cependant l'espoir d'une mise en valeur de ce qui fut une entrée de la Ville de Lille.

Las, l'ancienne porte resta inoccupée, la désaffection des espaces verts situés sur son chemin de ronde favorisant les dégradations sur le bâtiment. Flanquée par une rue des Canonniers devenue une percée à quatre voies avec stationnement, le secteur fut tout entier dédié à l'automobile, icône d'un XXème siècle révolu.

Place Saint-Hubert, en 2009
Place Saint-Hubert, en 2009

Pourtant, jusqu'aux années 1950, passée la porte élevée en 1622, la rue de Roubaix était particulièrement animée et d'une belle harmonie architecturale.

L'élargissement en 1958 de la rue des Canonniers vers le boulevard Carnot mit à bas un rang entier de maisons découvrant ainsi sur le mur pignon du 2, place Saint-Hubert, les vestiges d'une chapelle par deux baies à arc ogival murées. Les maisons faisant face à la rue des Canonniers, comportant de beaux édifices des XVII, XVIII et XIXème siècles dont l'Hôtel Corbie de Bliquy, furent rasées au début des années 1980 pour accéder directement à la gare.

La Porte de Roubaix, en 1909
La Porte de Roubaix, en 1909

Désormais, l'immeuble faisait angle. Privé de son épaulement, il commença à connaître des désordres structurels qui iront en s'aggravant : murs penchant vers l'extérieur et importantes fissures. La situation parut suffisamment dangereuse pour que la Maire de Lille prenne en avril 2007 un arrêté de péril imminent dont la résolution provisoire fut l'installation en février 2008 d'un échafaudage ceinturant les trois côtés de la maison. Les travaux de confortation demandés dans l'arrêté de péril n'intervinrent cependant pas jusqu'à la nuit du 31 décembre 2008 où un incendie, dont l'origine est l'objet d'une enquête policière, détruisit l'ensemble des charpentes et planchers. La Ville a décidé d'entamer, aux frais du propriétaire, la démolition des structures menaçant ruine.

Après ce rappel d'évènements largement développés dans la presse régionale, il est temps de rappeler l'importance historique et architecturale des maisons sises 2 et 4, place Saint-Hubert, derniers témoins de l'ensemble hospitalier Saint-Charles Borromée, appelé Maison des Vieux-Hommes, construit en 1624 et destiné à abriter les hommes âgés de plus de 55 ans ne pouvant travailler. Le corps de bâtiment principal à cour carrée de l'hospice, visible sur le plan relief de Lille de 1743, est longé au nord par le canal des Vieux-Hommes. Il fut rasé pour laisser place à l'immeuble démesuré des années 1960 construit le long de la rue des Canonniers. Les maisons édifiées le long de la rue de Roubaix étaient vraisemblablement des maisons d'accompagnement mises en location. Le n°4 est généralement désigné comme le logement du directeur.

La façade surélevée au XVIIIème siècle du n°2 et celle restaurée du n°4 sont les témoins du plus ancien alignement de maisons à travées, formule qui deviendra la marque identitaire de l'architecture locale à partir de la seconde moitié du XVIIème siècle. Il est très probable par ailleurs que le n°6, malgré les transformations du XIXème siècle, conserve sous ses enduits une disposition identique. Les reliefs en pierre du n°2 ont été buchés. Cependant la lecture des ouvertures, moulurations et décorations, établit la stricte continuité avec le n°4 dénommé la « Maison des Vieux-Hommes ».

La Maison des Vieux-Hommes, en 2009
La Maison des Vieux-Hommes, en 2009

Cette dernière maison de cinq travées et à un étage, dont la porte d'entrée marque l'axe médian, se distingue par son élégance due à l'équilibre des proportions et à l'élancement de l'élévation. Sur un soubassement de grès, la maçonnerie est montée en brique et pierre calcaire pour les encadrements de fenêtres, moulurations et reliefs. Un cordon-larmier alternativement horizontal et courbe court au-dessus des fenêtres à arc cintré marqué par une clef saillante portant un disque en amortissement. Outre ces lignes novatrices pour l'époque, la façade est ornée pour la première fois à Lille de bas-reliefs en pierre sculptée figurant des cartouches à motifs végétaux et anthropomorphes. Ces panneaux rectangulaires, au nombre de douze, sont insérés au dessus de chaque tableau. Selon Paul Parent, (« L'architecture civile à Lille au XVIIème siècle », p. 84) le dessin riche et exubérant de ces reliefs grassement sculptés est directement inspiré de gravures exécutées par J. Francquart et publiées à Bruxelles en 1622. L'utilisation en 1624 à Lille de ces formes auriculaires trouverait son origine dans l'établissement d'artisans belges dans les murs de notre ville. Près de 30 ans plus tard ? les façades de la Vieille Bourse constitueront l'épanouissement de cette Seconde Renaissance Flamande.

Une réflexion globale sur la mise en valeur du site est nécessaire ; il serait judicieux de retrouver l'harmonie de l'alignement en écrêtant l'immeuble ruiné et en lui restituant ses moulurations et reliefs. Les baies gothiques de l'ancienne chapelle pourraient être à cette occasion dégagées. Les maisons de la rue Saint-Hubert, dont certaines datent du XVIIème siècle, mériteraient un soin particulier. La porte de Roubaix, élément fort de l'ensemble, devrait retrouver une fonction tout en développant le lien avec le Parc Matisse et la caserne Souham. Enfin, tout en réduisant la circulation automobile de la rue des Canonniers, la place Saint-Hubert gagnerait à être rendue aux piétons afin d'accueillir avec civilité et urbanité tous les visiteurs arrivés à Lille-Europe qui abordent la ville par cet endroit mémorable.

L'ensemble hospitalier Saint-Charles Borromée, construit en 1624, sur le plan-relief de Lille de 1743
L'ensemble hospitalier Saint-Charles Borromée, construit en 1624, sur le plan-relief de Lille de 1743

Cet article est extrait de notre bulletin de mars 2009, que vous pouvez vous procurer par correspondance, ou en vous rendant dans notre local de la rue de la Monnaie.

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